En poussant le crayon

…on finit quelquefois par se rendre au bout de son idée ou bien ailleurs

La ségrégation scolaire au Québec est bien réelle et ses effets délétères sont bien documentés. Les classes véritablement ordinaires, principalement au secondaire, sont une espèce menacée. Le généreux financement accordé à l’école privée, la multiplication des programmes particuliers pas toujours gratuits à l’école publique, tout cela accentue le phénomène de détermination sociale des résultats scolaires. L’école peine à jouer son rôle d’ascenseur social. Plutôt que de réduire les iniquités, elle les accentue.

De la lumière, enfin…

Mais voilà, il y aurait enfin de la lumière au bout du tunnel : on nous annonce que les jeunes vont bientôt quitter l’école privée et revenir vers l’école publique, que les classes ordinaires vont se regarnir d’élèves moyens et forts, que les enfants de nos ministres vont se ruer vers leur école de quartier, et que les programmes particuliers vont perdre de leur attrait. Tout cela, parce que bientôt tous les élèves du secondaire public resteront une heure de plus chaque jour à l’école pour profiter en fin de journée d’une heure d’activité parascolaire. Une heure, moins bien sûr le temps de se déplacer, se préparer, se changer, se rhabiller, ramasser et prendre l’autobus.

Soyons créatifs…

Mais comment organiser tout ça? Comment réaliser cet objectif de stimuler et motiver tous nos élèves du secondaire public, ce public abandonné par tellement d’élèves qui fréquentent le privé? En étant créatif, bien sûr. En se mettant en mode « solution » plutôt qu’en mode « critique ». Quel défi stimulant auquel on nous convie! Imaginez, il est 16h à la polyvalente du coin et 1850 élèves attendent que sonne la cloche pour participer à leur activité parascolaire, celle qui les motive, qui donne un sens, enfin, à leur engagement scolaire. Tous ces élèves attendent le signal en classe, dans un laboratoire ou un gymnase, dans une école pleine d’élèves qui ont aussi hâte qu’eux, dans une école qui accueillera encore plus d’élèves et qui sera plus pleine encore dans un avenir tout proche.

Oups…

Mais au fait, parlant créativité, on mettra où tous ces élèves pour leur faire vivre leur heure d’activité parascolaire? On utilisera les gymnases qui étaient déjà utilisés avant 16h? Certains laboratoires, déjà utilisés aussi? L’auditorium s’il y en a un? La cafétéria? La bibliothèque? Et le reste, la grande majorité des 1850 élèves, se retrouveront à nouveau dans des locaux de classe? Actuellement, dans la très grande majorité des écoles secondaires publiques, les plateaux sportifs, auditorium et autres sont déjà utilisés à pleine capacité après les heures de classe, justement pour faire vivre des activités parascolaires. Et utilisés également en soirée en vertu d’ententes avec les municipalités ou des organismes de loisirs.

On déchante…

Pour la vaste majorité des élèves, le parascolaire se traduirait donc par une heure de plus par jour dans une bête salle de classe? Ordinaire comme des « chips » ordinaires, mais c’est la réalité. Alors, on se comprend : ce n’est pas peut-être pas cela, pour ces élèves-là, qui va stimuler l’exode du privé vers le public et des programmes particuliers vers la classe ordinaire. À moins d’une intervention miraculeuse de l’équipe du Lab-école. Par conséquent, ce n’est pas cela, n’en déplaise au ministre, qui va faire disparaître la ségrégation scolaire, la détermination sociale de la réussite et autres clivages. Et si ce n’est pas cela, ce devra être autre chose.

Pour de véritables solutions…

Peut-être en effet faudra-t-il reconnaître l’évidence et trouver des solutions appropriées, au nom de l’équité et de la justice sociale, pour peu que cela veuille encore dire quelque chose. Peut-être commencer par reconnaître le problème de déficit éducatif structurel auquel nous faisons face. Pourquoi structurel? Simplement parce que dans son organisation même, le système à trois vitesses qu’on a laissé émerger, crée en soi de l’échec.  Il faut envisager de véritables solutions systémiques qui tireront l’école publique, et avec elle tout le Québec, vers le haut. Peut-être faut-il condamner très fort cette idée que l’Éducation, pour son bien, doit être soumise au marché, à l’offre et à la demande.

Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa…

Peut-être devra-t-on d’abord accepter que nous sommes collectivement responsables de la dégradation des conditions d’enseignement et d’apprentissage des élèves ségrégués dans ces classes qui ne sont plus ordinaires ou dans ces classes fermées ou spécialisées qui sont des voies sans issue, et qu’on réclame pourtant à grands cris. Pensez-y, on en est rendu à réclamer pour nos enfants des voies sans issue. Pourquoi? Pour nettoyer nos classes pseudo-ordinaires?  Peut-être qu’au fond, promettre de parachuter des dizaines de milliers de professionnels dans ces classes où la réussite est si difficile, n’est qu’une façon de se libérer la conscience et le prix à payer pour maintenir le privilège de ceux et celles qui peuvent et veulent se magasiner des écoles, au détriment du bien commun.

Au fond, elle est là la question : dans le contexte actuel, est-ce que les exigences du bien commun sont sauves? La question n’est pas nouvelle, elle est posée dans le préambule de la Loi créant le ministère de l’Éducation du Québec. Mais au fait, le bien commun, est-ce que ça veut toujours dire quelque chose?

Bon je vous laisse, il faut que je termine ma maquette de station orbitale en cure-dents recyclés.

 

 

 

 

 

Une réflexion sur “Le parasco, remède à la ségrégation ?

  1. pierrepotvin dit :

    C’est un sujet déterminant que tu traites ici Marc. Bravo pour cette réflexion. Je crois que c’est l’ensemble du système qu’il faut revoir: public / privé / programmes particuliers / sélection / tout le domaine de l’adaptation scolaire. Avec notre système actuel l’on favorise pour certains jeunes l’échec scolaire et le décrochage. On aura beau implanter nos maternelles 4 ans pour la prévention, malheureusement le reste du système devient un facteur de risque systémique. Je suis très préoccupé par notre système d’éducation et par l’intouchable public/privé / programmes particuliers / sélection – culte de la performance.

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